Une gorgée de coca pour papa, une bouffée de cigarette pour maman....
Certains manient brillamment l'art de diviser pour mieux régner. François Fillon, et tous ceux qui ont oeuvré à pondre le plan d'austérité, s'en sortent avec une note qu'on pourrait, ironiquement, qualifier de AAA.
D'abord, j'entends parler d'économies de 12 milliards d'Euros en 2012. Economie, me semble-t-il, c'est modérer l'utilisation de l'argent qu'on a. Pas en pomper subrepticement à tout ce qui remue pattes ou oreilles. Ca, ca s'appelle : augmenter les recettes.
Remarquez, ça n'a jamais gêné Christine Lagarde, à l'époque, de parler de croissance négative. On y a échappé de peu, elle est nulle pour le second trimestre 2011.
On peut réinventer le langage, finalement, et du coup, avoir des versions très politiquement acceptables pour faire passer le suppositoire de la taille de la fusée Ariane que l'Etat est en train de nous enfiler dans le derrière.
Ainsi, il ne faut pas dire : "Depuis 30 ans, les finances publiques sont gérées à tort et à travers, l'argent dilapidé à mauvais escient, bien que vous soyez essorés fiscalement." Il faut dire :
"Pour garder notre note nous permettant d'emprunter à un taux acceptable, soyons solidaires dans la crise de la dette"
Plus de cause, uniquement les effets, et une forme de patriotisme fraternel, riches et humbles confondus, se tenant tous par la main pour sortir notre belle nation de sa mouise.
Il ne faut pas dire non plus : "Les nantis se sont gavés pendant des années grâce à une fiscalité inadaptée aux montants de leurs revenus", mais "Les nantis veulent contribuer à l'effort de sauvetage de la France d'une faillite inévitable." Combien déjà de millions rendus à Bettancourt, qui ont fait des petits depuis ?
Poudre aux yeux, lobotomie généralisée, et surtout, parvenir à faire cracher tout le monde au bassinet tout en faisant des ajustements ne semblant concerner que quelques-uns : chapeau bas !
Presque, les Français trouvent ça normal.
Certes, je ne fais pas partie de ceux qui déclarent plus de 500 000 € de revenus, mais : je fume un peu, je bois modérément, j'achète des sodas. Pour autant, j'ai des frais de santé bien en deça de ce que je cotise, avec un fils ne présentant aucun symptôme d'obésité naissante.
Lequel fils voudra aller dans des parcs d'attraction, dont le billet d'entrée va flamber. Mon assurance vie va prendre une claque, je vais me faire ratatiner ma demi part "parent isolé", pour cause de rabot sur niche fiscale.
Plus question d'investir, le jour où j'ai trois sous à dépenser, dans l'immobilier défiscalisé, puisqu'il sera refiscalisé. Quant au fameux PTZ, je pense que je pourrai me le carrer profond.
Je ne vais pas consommer plus, mes revenus ne sont pas élastiques. Mes dépenses courantes vont me couter plus cher. Je ne vais pas faire l'impasse sur la rentrée scolaire et pourtant, le coup de bambou est bien là. Les hausses de tarifs de partout vont juste m'empêcher d'avoir une capacité d'épargne correcte, et je consommerai par obligation ou pour cause d'obsolescence programmée : elle est pas belle la vie, les mecs ?
Comme un bonheur n'arrive jamais seul, quand le baril de pétrole flambe, le prix à la pompe s'envole, quand le baril s'écrase de la moitié de sa valeur, le montant du plein s'abaisse de 2 à 3 euros.
On a pris dans la tronche les six mois d'allongement de cotisations pour arriver en retraite sans broncher.
Et le bouquet final, qui consiste à attaquer l'os, c'est-à-dire le budget de fonctionnement de l'Etat, et bien, on va essayer de contenir le débordement jusqu'aux élections.
Car si chaque individu est nécessairement touché dans sa vie quotidienne par la gestion dispendieuse et irresponsable depuis 1981, la maestria avec laquelle on n'a pas attaqué les masses frontalement est merveilleuse d'ingéniosité.
Imaginez la levée de bouclier, si on avait parlé de sucrer encore des postes dans les services publics. Soyez rassurés, c'est ce qui va arriver à partir de mai 2012. Parce que la gauche a beau soutenir qu'elle préservera le service public, elle finira bien par ployer sous le poids des obligations de cette connerie d'Europe. Sous peine de se voir étouffer financièrement, et devoir faire face au soulèvement massif de tout un peuple sur lequel elle projetterait des ponctions fiscales supplémentaires, achevant un pouvoir d'achat à l'agonie.
L'heure des comptes a sonné. Et y en a qui sont contents de l'héritage laissé par l'insouciance de la "pleine croissance." Tous ceux nés après 1968, dont je fais partie, et qui remercient bien les inconscients qui ont été au pouvoir, et ceux qui y sont encore, impuissants devant le système qu'ils ont contribué à faire auto-accoucher d'un monstre.
Et surtout, messieurs, mesdames : mille mercis pour le bel avenir que vous aurez su préparer à nos enfants.
